Quelques idées sur la pédagogie

Dans une récente émission de radio (Le masque et la plume), un critique décriait le film Les Choristes, en raison de son manque de réalisme. Oui, bien sûr, ce film n'est pas vraiment réaliste. Et alors ? Le cinéma doit-il toujours être réaliste ?

Si l'on considère le cinéma comme un art, on peut voir ce film comme une allégorie du métier d'enseignant et... du métier d'élève !

Vois sur ton chemin
Gamins oubliés, égarés
Donne-leur la main
Pour les mener
Vers d'autres lendemains.

Cet appel est adressé à tout enseignant. Certes, nous ne rencontrons pas que des "gamins oubliés" ou "égarés" dans notre métier, heureusement. Mais notre but est de les prendre tous par la main, non pour les tirer, mais pour les guider.

Deux écueils sont à éviter dans une classe : la violence et la passivité. Pour cela, l'ambiance joue un grand rôle. Pour ce qui est du cadre de vie : disposition de la classe, espace bien délimité pour chaque activité, propreté, clarté, ordre et goût. Pour ce qui est des rapports humains : limites bien définies, consignes claires, attitude sécurisante de l'enseignante.

L'enfant de quatre ans teste souvent l'adulte afin de vérifier que les limites établies sont bien infranchissables. Une fois qu'il a ainsi "cerné son territoire", qu'il a vérifié que les règles édictées sont bien des règles et non des paroles en l'air, il ne lui vient plus à l'esprit de les transgresser. L'enfant a le désir d'obéir, mais il veut s'assurer qu'il peut faire confiance à la personne à qui il doit obéissance.

Pour cela, il faut bien évidemment que l'adulte soit convaincu lui-même qu'il a le devoir d'exercer une autorité, de par sa fonction, et que cette autorité n'est pas un abus. Mais le respect et la confiance doivent être à double sens : respect de l'adulte, respect de l'enfant. Et ce climat de respect mutuel pacifie l'enfant et l'adulte, les aide à lutter contre leur violence naturelle, et incite l'enfant à donner le meilleur de lui-même et à être acteur de ses apprentissages.

Pour revenir aux Choristes, le maître incarné par Gérard Jugnot exerce une réelle autorité sur les enfants. Toute personne qui a pratiqué quelque peu le chant connaît l'importance du travail, de la rigueur, de la discipline dans cet art. Pourquoi les enfants lui obéissent-ils ? Parce qu'il savent qu'il est là pour les aider à sortir le meilleur d'eux-mêmes. Ces notes qu'ils produisent viennent de leurs propres ressources, il ne leur a pas jeté un sort pour les faire bien chanter ! Et ces notes qu'ils émettent et assemblent les font vibrer.

Bien entendu, tout le monde n'est pas doué pour le chant comme le sont ces enfants. C'est en cela que ce film est une allégorie. Mais tout enfant a au fond de lui des possibilités exceptionnelles. En lui donnant le goût de l'effort et du travail bien fait, nous l'aidons à grandir, à s'ouvrir, à se dépasser, à puiser en lui-même les ressources nécessaires pour trouver son propre chemin, qui n'est pas le même pour chacun.

Et c'est pourquoi ma vision de l'enseignement ne peut être que personnalisée. Bien entendu, les règles et les consignes doivent être les mêmes pour tous. Mais le regard de l'adulte doit s'attarder sur chacun, même dans une classe de 33 élèves !

Le savoir est important, car il élève l'enfant. Mais ce savoir est un support et non un but en soi. Il ne faut jamais perdre de vue l'épanouissement de l'enfant, très lié à sa sensibilité, et qu'un rien peut perturber. Et un enfant perturbé, même momentanément, ne donnera rien de bon dans son travail.

La maternelle est une préparation au primaire. Nous éveillons l'intelligence de l'enfant à tous les apprentissages, nous délions ses gestes, nous faisons appel à sa volonté, nous le menons peu à peu à l'abstraction, nous faisons travailler sa mémoire, afin que son corps et son esprit soient mûrs, lors de l'entrée en CP, à absorber les divers apprentissages (en particulier la lecture et l'écriture) qui leur seront alors proposés et qui sont l'apanage et l'attrait de "la grande école".

L'enfant de quatre ans est un homme ou une femme en devenir, mais il est encore un enfant, il ne faut pas l'oublier. Et cette période de l'enfance marquera définitivement toute sa vie future. Laissons-le en profiter, tout en le menant doucement vers son accomplissement d'adulte.

Bonheurs enfantins
Trop vite oubliés, effacés
Une lumière dorée brille sans fin
Tout au bout du chemin.

Mars 2005

Krystyna Umiastowska Saurel

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